Ca sonne drôlement vrai
Troy vs Archer, Archer vs Troy, et voici que revient au goût du jour – et du Club – la magnifique opposition Cage/Travolta. Volte-Face, ou l’opposition de deux monstres de l’interprétation cinématographique. Deux problèmes physiques, la calvitie et un menton –trou-de-balle, mais la même envie viscérale de tout donner à l’écran. Quitte à souvent déborder.
John est gentil, Castor est méchant, Castor est gentil, John est méchant, le ying et le yang de John Woo marche au poil, offrant tout à tour à chacun les moyens de passer du rire aux larmes. Mais dans cette savoureuse gueguerre froide, un homme crève l’écran. Nicolas.
Repoussant les limites de l’expression faciale, déconstruisant avec brio les émotions humaines, Nicolas est un génie du « beaucoup trop, tout le temps », un mec à encadrer dans toutes les écoles de mime. La preuve en images.
Expression n°1 – La séduction
Le cheveu (pauvre) se cache dans la pénombre, les oreilles profilées au scotch double-face. La tête s’incline de quelques degrés sur la gauche, en position d’écoute, d’attention et de bienveillance. Le menton est porté vers l’avant, pour l’assurance, et la bouche s’entrouvre de quelques millimètres, prête à libérer avec délicatesse une ou deux grasseries pornographiques. Les narines sont poussées au maximum, fulminantes. Un côté bestial atténué par le détail qui fait tout : le surélèvement d’un bon centimètre du sourcil droit. Un gage de mystère, et de curiosité. Irrésistible.
Expression n°2 – La concentration
Nicolas se porte vers l’avant, ses cheveux avec. Le dos voûté, le dieu grec a les yeux mi-clos, le nez est en détente et la lèvre inférieure plissée vers le bas : une posture qui permet l’économie des forces avant l’action. Le vrai miracle se situe encore au niveau des sourcils, tout deux froncés avec effort mais sans exagération. De la détermination sans colère. De la fierté sans vanité. Comment ne pas être convaincu ?
Expression n°3 – La déception
Une leçon, de la tête aux pieds. Les épaules affaissées, le dos voûté, les mains suppliantes, Nicolas porte sur ses frêles épaules la misère du monde. La tête se porte vers l’arrière, en signe de soumission et d’acceptation. Les oreilles plastifiées restent immobiles, et le nez, d’habitude si ouvert vers l’extérieur, se rétracte, accompagné d’un haussement des pommettes. Reste le plissement des yeux pour parachever le chef-d’œuvre. « Non, mais non, mais c’est vraiment pas sympa !… » peut-on lire sur ses lèvres. Une crédibilité sans faille.
Expression n°4 – La colère
L’important, c’est d’oublier toute sobriété. La posture vient du ventre, centre des émotions Cagiennes. Les épaules dominantes, Nicolas forme avec ses bras courbés la figure du cercle, signe d’encerclement pour ses adversaires. Les index pointés vers l’avant sont deux armes prêtes à faire feu de tout bois. Leur orientation vers le torse, légère mais convaincante, laissent à penser que Nicolas est prêt à se tirer lui-même dessus, et donc à se battre jusqu’à la mort. Impressionnant. Plus en haut, la coiffure, d’habitude si expansive, se fait discrète, laissant la lumière aux muscles faciaux. Les sourcils tendus rejoignent la furie des yeux. Le nez tendu, si tendu, n’est que l’annonce visuelle d’une bouche en portes ouvertes. La figure colérique se parachève avec la tension extrême des veines du cou. Effrayant, mais si prenant.
Expression n°5 – L’amour
Pourtant méconnue, elle reste l’une des postures les plus difficiles à exécuter. L’équilibre, sur le sofa léopard, est trouvé au niveau des coudes, entre la décontraction et l’allant. Le port du caleçon blanc n’est pas donné à chacun : il transmet un sentiment de pureté, rassurant ainsi la partenaire désirée. Le verre d’alcool se porte avec deux doigts, les symboles de l’union, et se place près de la proie. Nicolas crée ainsi une tête de pont entre lui-même et sa promise. La technique du torse est elle aussi subtile, avec une inclinaison des biceps jamais supérieure à 100 degrés, pour ne pas faire peur. Les abdominaux, puissants, sont légèrement inclinés vers le côté gauche, en signe d’invitation. Restent les signaux envoyés par le visage, primordiaux dans l’entreprise. Nicolas laisse tomber ses yeux de cocker avec douceur, pour attendrir. Sa bouche, mimant celle du poisson, lui donne un air benêt. Il prouve ainsi qu’il est imparfait, donc fragile, et attire ainsi l’affection. Difficile de résister.
Expression n°6 – La relaxation
La toxicomanie dans son expression la plus pure. Les yeux mi-clos, la bouche amorphe, la tête en arrière, Nicolas envoie un signe fort à son entourage. « Je suis super bourré », semble-t-il clamer à tue tête. Le coup de maître réside dans son utilisation divine de la main. L’index pointé vers le ciel, le pouce, le majeur et l’annulaire en protecteurs, l’auriculaire en stabilisateur, il fait signe que tout roule. Un pied de nez magistral au pouvoir de l’alcool.
Expression n°7 – L’excitation
Nombreux sont ceux à s’être cassé les dents sur cet Olympe de l’acting. Car si les postures du corps ou le choix des vêtements font partie intégrante des expressions précédentes, l’Excitation avec un E ne se sublime que de la calotte capillaire au menton. Les oreilles à l’affût, la bouche en harpe, Nicolas creuse sa joue gauche et accentue nos rythmes cardiaques. Son petit nez pointu chauffe la salle au fer blanc, avant le coup de grâce : le combiné yeux perfide – sourcils aguicheurs. A faire pâlir d’envie les pédophiles les plus déséquilibrés.
On passera bien sûr dans ces lignes du port des bagues dorées assorties au chrome des flingues. La classe, on l’a ou on l’a pas. Pour l’acting, on s’appelle Nicolas, où on n’acting pas.
La phrase du jour. « J’aime sucer un abricot pendant des heures », Castor Troy a une flic infiltrée du FBI, qui va se prendre un joli pruneau, mais pas dans l’abricot.
Sous les applaudissements. L’affrontement entre Nico et Johnny étant quasi biblique, John Woo a décidé de faire les choses en grand. On illumine aux bougies rouges et aux icônes une belle église près d’une plage, celle-là même qu’affectionnent les sauveteurs d’Alerte à Malibu pour se marier. On y ajoute deux ou trois colombes qui s’envolent, des ralentis en pagaille, et des impacts de balles qui éraflent les bancs en bois de l’assistance. Un clin d’œil non dissimulé à son antécédent Hard Boiled, et donc à ce bon vieux Cure-Dent. Sacré Woo.